Ces dernières années, l’appétit croissant des consommateurs pour les produits ayant un faible impact sur l’environnement a conduit à une augmentation considérable du nombre de marques se présentant et commercialisant leurs produits comme étant « meilleurs pour l’environnement », et ce afin d’obtenir un avantage concurrentiel. Il est impossible pour un consommateur non avisé de juger de la crédibilité de la plupart de ces allégations. Les régulateurs du Royaume-Uni et de l’UE ont reconnu la nécessité pour les marques d’être tenues responsables de leurs allégations. Une enquête menée en 2020 par la Commission Européenne a révélé que 53 % des allégations environnementales examinées par elle étaient vagues, trompeuses ou infondées – en d’autres termes, les marques faisant ces déclarations avaient des « intérêts écologiques de façade », se prêtant par là à de l’écoblanchiment, aussi appelé « greenwashing ».
Proposition de directive européenne sur les allégations écologiques (Green Claims)
En mars 2023, l’Union Européenne (UE) a publié sa proposition de nouvelle directive sur la justification et la communication des allégations environnementales (Directive sur les allégations écologiques/ Green Claims directive). Cette proposition de directive vise à garantir que toutes les allégations écologiques faites par des entreprises opérant au sein de l'UE soient étayées par des preuves vérifiées de manière indépendante, afin que le consommateur puisse prendre ses décisions d’achat de manière informée. Les sanctions applicables pour greenwashing dans l’UE pourraient aller jusqu’à 4% du chiffre d’affaires annuel de la marque dans le ou les États membres concernés. Si cette proposition de directive est adoptée, les États membres de l’UE auront 18 mois pour transposer la directive dans leur droit national et commencer à l’appliquer.
La situation au Royaume-Uni est-elle comparable à celle de l’UE ?
Dans l’ère Post-Brexit qu’est la nôtre, le législateur anglais ne sera pas obligé de transposer localement la directive proposée par l’UE sur les allégations environnementales. En revanche, les entreprises britanniques qui, à leur niveau, commercialisent leurs produits et services auprès des consommateurs de l’UE, devront quant à elles, se conformer à la directive de l’UE sur les allégations écologiques lorsqu’elle deviendra une loi au niveau des Etats membres dans lesquels leurs produits sont vendus.
Au Royaume-Uni, la législation nationale existante sur la protection des consommateurs interdit déjà aux entreprises de faire des allégations trompeuses envers les consommateurs, en ce compris des allégations environnementales trompeuses. Durant ces dernières années, les régulateurs britanniques, notamment la Competition and Markets Authority (CMA) et l’Advertising Standards Authority (ASA), ont également renforcé, à leurs niveaux, leur lutte contre les déclarations écologiques trompeuses, en publiant par exemple en 2021 un code spécifique (Green Claims Code) pour aider les entreprises à se conformer à leurs obligations envers leurs consommateurs lorsqu’elles font des allégations écologiques. Cette lutte menée par la CMA contre les allégations écologiques, l’a amenée à enquêter sur les allégations environnementales dans l’industrie de la mode (l’un des plus grands contrevenants en termes d’écoblanchiment) et notamment sur des déclarations spécifiques faites par des grandes marques de prêt-à-porter.
Un autre exemple du combat mené à l’échelle du Royaume - Uni contre le greenwhashing doit être souligné. En avril 2023, le projet de loi sur les marchés numériques, la concurrence et la consommation (Digital Markets, Competition and Consumer Bill) a été présenté au Parlement britannique. Ce projet de loi, s’il est adopté dans sa forme actuelle, habiliterait la CMA non seulement à ordonner elle-même (i.e. sans passer par un juge) le paiement de dommages-intérêts aux consommateurs trompés par les entreprises contrevenant à certaines dispositions protectrices des consommateurs, mais également d’imposer des amendes aux entreprises en infraction, dont le montant pourrait aller jusqu’à 10 % de leur chiffre d’affaires annuel mondial
Le greenwashing se transformera-t-il en greenhushing ?
Sévir contre les allégations écologiques non fondées, bien que nécessaire, pourrait à terme dissuader les marques de commercialiser leurs références écologiques, de peur de faire l’objet d’une enquête, voire d’une amende. Il y a eu récemment beaucoup de presse à ce sujet, les organismes professionnels mettant en garde contre le « greenhushing » ou la rétention d’informations écologiques. Il est constaté que le greenhushing est de plus en plus répandu, de nombreuses marques choisissant de ne pas faire connaître leurs initiatives en matière de développement durable, ni de faire d’allégations écologiques sur leurs produits, par crainte de pénalités ou de critiques.
D’autres commentateurs sont allés plus loin et ont exprimé des inquiétudes quant au fait que le poids de la réglementation dissuadera les marques d’investir complètement dans des initiatives de durabilité, arguant que si elles ne peuvent pas informer leurs consommateurs de leurs initiatives, alors à quoi sert-ii de les entreprendre ?
Nous sommes d’avis que malgré le renforcement constant de la réglementation en la matière, les marques ne seront pas en mesure d’arrêter leurs initiatives de développement durable. Les pressions venant de différentes parts, qu’elles soient concurrentielles, réglementaires, politiques ou financières, vont et continuent à aller dans le sens des initiatives environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) ; la question des revendications écologiques n’étant à notre sens qu’une simple pièce du puzzle ESG global. Il est à prévoir qu’une certaine nervosité se fasse sentir parmi les marques durant le temps qui sera nécessaire pour finaliser les législations britanniques et européennes – il leur appartiendra alors d’élaborer des processus et au besoin, recourir à des parties externes pour vérifier l’exactitude de leurs allégations écologiques.
Article d’origine écrit par notre experte en droit commercial, Emma Roake, et traduit et adapté par notre groupe français.
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Bulletin rédigé sur la base d’informations disponibles au 21 décembre 2023.